Méticuleux. Minutieux. Il ne laisse rien au hasard. Il poursuit son cérémonial avec une déférence extrême. Un véritable ayatollah de l’expresso.
« On pense souvent que la cafetière est le plus important. Mais le vrai secret du shot parfait… »
Il ne finit pas sa phrase, trop dévoué à sa tâche. Il tourne attentivement la molette micrométrique de son Mazzer. « La Rolls des moulins », comme il dit. Plus qu’une voiture de luxe, l’engin massif évoque un char allemand.
Le bon réglage trouvé, il fait tomber quelques grains dans la trémie (« Un Yrgacheffe, la perle d’Éthiopie »). Sept grammes exactement. Il n’a plus besoin de peser, il officie depuis si longtemps.
Le café moulu dégage des effluves qui me replongent dans mon enfance : écorce de chêne, noisette, caramel.
D’une main ferme, il tasse la poudre de café dans le porte-filtre, se tourne vers « Miss Silvia », sa fidèle machine, et place le manche sous le groupe de l’appareil. Mais il ne lance pas le café immédiatement. « Il ne faut pas brusquer Silvia. Il faut attendre le bon moment. L’écouter. Lui parler. »
Exactement soixante secondes plus tard, il amorce enfin la pompe. « Souviens-toi de la règle d’or : 7 g de café, 25 secondes d’extraction pour 25 ml dans la tasse. » Après avoir arrêté la machine, il me tend le petit verre transparent à double paroi. Le nectar noir est surmonté d’un bon centimètre de crème marbrée.
« Bois, mon frère. Déguste ce don du ciel. »
Amen.
Texte et photo par Laurent Laget, 2012, reproduction interdite.