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Transfèrement

Aujourd’hui encore, je m’intéresse à une question de français plus que de traduction. Après tout, il s’agit de mon outil de travail quintessentiel, autant le soigner !

Vous avez surement entendu parler de cette femme, Florence Cassez, une Française condamnée à 60 ans de prison au Mexique pour kidnapping. Au-delà des retombées diplomatiques de l’affaire (qui fait grand bruit), je voudrais m’attarder sur l’usage répété, par les médias comme par les politiques, du terme « transfèrement ». Je me souviens avoir entendu ce terme à l’époque de l’Arche de Zoé, mais rarement en dehors de tels contextes relevant de la politique internationale. Son utilisation intensive me surprend d’autant plus que le « transfert de prisonnier » me semble être particulièrement courant (notamment lorsqu’il s’agit des vols secrets de la CIA).

Alors que nous disent nos ouvrages de référence ?

Transfèrement, subst. masc. a) Le fait de transférer une personne d’un lieu de détention dans un autre. Synon. plus usuel transfert. Festus (…) croyait, par ce renvoi (…) faire une chose agréable aux Juifs, qui lui demandaient avec tant d’instances le transfèrement du prisonnier (Renan, St-Paul, 1869, p. 542).

La définition du CNRTL se passe de commentaires : « synonyme plus usuel : transfert ». On dirait bien que les médias, comme un seul homme, aient décidé de (re)lancer une nouvelle mode lexicale (« définir ‘mode’ : tendance éphémère et inutile, vouée à disparaitre pour mieux réapparaitre selon un cycle prédéfini par un nombre limité de leaders d’opinion »).

Ne soyons pas mauvaise langue, la diversité linguistique de notre belle langue est saine et sauve !

Comme c’est étanche !

Ne pas se relâcher, ne pas se relâcher… Voilà ce que je me dis régulièrement ces derniers temps pour continuer à alimenter mon blog aussi régulièrement que possible. Encore faut-il trouver de bons sujets, des sujets qui fâchent, des sujets qui font réfléchir, qui font douter (ou pas).

Et bien aujourd’hui, je voudrais faire douter ma muse, mon binôme dans la vie. Aussi tatillonne que moi sur les mots, je l’entends souvent pester contre certains usages (erronés) de la langue courante. Et grand bien lui prend.

Son dernier coup de gueule s’est abattu sur cette pub :

« Les animaux se réunissent pour étancher leur soif ». Voilà une phrase qui la fait bondir à chaque fois qu’elle l’entend. « Qu’ouï-je, qu’entends-je ? ‘Étancher’ ? Quelle ignominie ! Qui ose encore ignorer qu’au XVIe siècle, on épanche sa soif plus qu’on ne l’étanche ! Victor s’en retournerait dans sa tombe ! »

Certes, Victor Hugo nous disait que « Nous sommes la nature et la source éternelle / Où toute soif s’épanche, où se lave toute aile » (Rayons et ombres, 1840, p. 1067). Pourtant, le portail lexical du CNRTL nous indique clairement qu’épancher est utilisé par erreur pour son paronyme… étancher ! Bah alors Vicky ?

Pour s’en convaincre, il suffit de consulter les définitions des deux termes (toujours tirées du CNRTL) :

Épancher :

Faire couler, (dé)verser. Synon. répandre. Comme un lait pur qu’un vase sombre épanche (Lamart., Chute, 1838, p. 972). L’Oise dans la Seine épanche ses eaux bleues (Banville, Odes funamb., 1859, p. 108).

Étancher :

Étancher la soif. L’apaiser en buvant. On répandait du vin sur sa tombe pour étancher sa soif; on y plaçait des aliments pour apaiser sa faim (Fustel de Coul., Cité antique, 1864, p. 9). L’eau douce avait, en se gelant, fait éclater le baril qui la contenait. Et, pour étancher sa soif, Maël suçait des glaçons (France, Île ping., 1908, p. 35).

Voilà ma douce, le tort est réparé, tu peux dormir sur tes deux nonoches (je me suis d’ailleurs toujours demandé comment on pouvait dormir sur ses deux oreilles à la fois… à moins d’être sacrément souple ou mal foutu, ça me parait difficilement concevable. Duneton, qui a pourtant La Puce à l’oreille, n’en parle pas).

Member of the Chartered Institute of Linguists

Je vous parlais récemment des différentes associations de traducteurs. Et bien ça y est, je suis officiellement membre de l’une d’entre elles (en plus des Anciens étudiants de l’ESIT). Le comité du « Chartered Institute of Linguists » de Grande Bretagne a accepté ma candidature. Oh joie.

So what ? Mis à part un joli certificat que l’on nous propose même d’encadrer pour la (modique) somme de 35£ (hum), tous les membres du « CIoL » sont officiellement autorisés à apposer les initiales MCIL à côté de leur nom, que ce soit sur les CV, les signatures, les cartes de visites, etc. À quoi ça sert ? Montrer votre professionnalisme, donner plus de crédibilité, vous dira-t-on. Personnellement, je trouve que ça a un petit côté pédant (comme cette manie italienne de se donner le titre de Dottore dès qu’on a un Bac+3), mais si ça attire des clients…

Certes, si l’on s’en tient à cela, les avantages semblent maigres. Concrètement, le CIoL nous offre également la possibilité d’être inscrit dans la base de données Find-a-Linguist, accessible notamment à de potentiels donneurs d’ordres. Divers fora de discussions spécialisés nous sont également ouverts, ainsi que l’accès à différentes formations ou webinaires sur des thèmes tels que la formation continue ou le développement professionnel.

Enfin, le CIoL propose différentes publications. Tout d’abord, The Linguist, une jolie revue bimensuelle grauite sur papier couché qui traite d’articles sur… les langues (What else ?, dirait l’autre). Un Code de Conduite nous rappelle les droits et devoirs des traducteurs (rien de spécialement innovant pour qui a un minimum de conscience professionnelle), sans oublier les contrats types, les enquêtes sur les tarifs et autres documents informatifs.

Il va sans dire que je n’ai pas encore pu palper une réelle incrémentation de mon chiffre d’affaires, mais rien que le fait de participer aux discussions sur les forums (oups, fora) me rappelle les longues heures de pinaillage de mes études. Et ça, pour un linguiste, c’est un vrai plaisir !

L’ESIT fait sa révolution

Alors que l’ESIT a récemment fêté ses 50 ans, mes sources internes m’ont informé que l’École supérieure d’interprètes et de traducteurs s’apprête à révolutionner son enseignement.

Si les les étudiants actuels en traduction ont déjà remarqué quelques petites évolutions cette année (contrôle continu et abaissement des frais d’inscription, notamment), le changement le plus radical reste la suppression de l’année préparatoire, cette année théorique de niveau licence, dès la rentrée 2009. Une mesure qui permet à l’ESIT de se caler sur le modèle LMD en proposant un master professionnalisant en deux ans. De fait, les conditions d’admissions évoluent également, puisqu’il est désormais nécessaire d’être titulaire d’une licence (ou équivalent) contre un simple DEUG auparavant.

Mais dès les prochaines années, des changements encore plus importants vont être progressivement mis en place. Ainsi, la première année de master devrait voir apparaitre une formation à l’interprétation de liaison. Une très bonne chose qui pourrait permettre aux traducteurs de jeter un œil sur ce que font nos cousins interprètes. La « contraduction » pourrait également voir le jour : ce mot-valise, formé par la fusion de « contraction » et « traduction », désigne un enseignement où les étudiants devront résumer en français un ensemble de textes en langues étrangères (j’insiste sur le pluriel).

Mais selon moi, c’est l’arrivée de l’alternance en deuxième année qui va permettre à l’ESIT de proposer une véritable formation professionnelle. Durant mes trois ans de formation, je n’ai jamais autant appris que pendant mes stages (je dois reconnaitre que certains profs ont tout de même eu une influence considérable sur mon travail). Les exigences du monde du travail sont à mille lieues (ou lieux ?) du cadre scolaire, sans compter que la formule du stage obligatoire présente de nombreux inconvénients : aucune période n’étant spécifiquement consacrée au stage, il est souvent difficile de trouver le temps et les moyens de faire un stage à côté des cours ou d’un job rémunéré (permettant de financer ses trois tomates à crédit).

Ah, j’oubliais le déménagement. D’ici quelques temps, l’ESIT pourrait également quitter l’ancien siège de l’OTAN (l’actuelle université Dauphine) pour rejoindre un quartier bien plus sympathique, au cœur de Paris : la « magnifique » et désamiantée université Jussieu… Ou au contraire être rattachée à Dauphine plutôt qu’à Censier ! Tout ça dépend des relations entre têtes pensantes et reste donc susceptible d’évoluer (ou pas).

Notons que l’ISIT, homologue catho-privé de l’ESIT, a également entrepris quelques réformes vers la professionnalisation de sa formation. Mais contrairement à l’ESIT, l’Institut de management et de communication interculturels à choisi de s’orienter vers le commerce et la communication plutôt que la traduction pure, d’où l’abandon de son ancien nom (Institut supérieur d’interprétation et de traduction).

Nos deux écoles parisiennes feraient-elles tout pour se distinguer l’une de l’autre ?