Dans les commentaires de mon message précédent, TTT a soulevé plusieurs questions intéressantes, notamment au sujet de ce fameux coefficient de foisonnement (j’ai croisé également le terme « étoffement »). Le site de l’Association des traducteurs littéraires de France (ATLF) nous propose cette définition :
Foisonnement (coefficient de) : Il s’agit du pourcentage d’augmentation (ou de réduction) que présentera le texte une fois traduit. Il dépend de la langue à traduire, à titre indicatif, il est environ de +10% pour l’anglais, dépasse les +20% pour l’allemand, est faible pour l’italien. Plus le texte est technique, plus le coefficient risque d’être élevé.
Pour illustrer ces propos, prenons un texte source anglais de 500 mots. Sa traduction en français comportera vraisemblablement plus de mots, environ 550-600. Un simple exemple : please se traduit (entres autres) par « s’il vous plait », soit trois mots selon le compteur de Word. Par ailleurs, la plupart des mots composés anglais sont souvent attachés directement, sans trait d’union, du fait de la grande souplesse de la langue. Ainsi, des mots comme « coucher de soleil » (sunset), « pont-levis » (drawbridge) ou « brosse à dents » (toothbrush) augmentent considérablement le nombre de mots en français. D’autre part, il est généralement admis que les anglophones ont tendance à être plus directs que nous, à moins broder. En français, les phrases sont plus longues, plus alambiquées. Dès lors, on peut se demander si la culture d’un peuple façonne sa langue, et/ou si c‘est la langue qui façonne la culture.
Selon les combinaisons, ce coefficient est très variable. À titre indicatif, lorsque je travaillais pour Lingua ESIT, nous établissions nos devis sur la base ci-après. Ces chiffres diffèrent légèrement de la définition de l’ATLF, mais ce n’est bien sûr pas une science exacte.
- Anglais > français : 20%
- Italien > français : 15%
- Espagnol > français : 0% mais français > espagnol : 10%
- Allemand > français : 30%
En quoi ces chiffres sont-ils intéressants pour la traduction ? Si en règle générale, les tarifs de la traduction s’entendent « au mot source », certains clients peuvent exiger un devis au mot cible. Le coefficient de foisonnement intervient ici pour estimer le nombre de mots que contiendra le texte traduit, qui permettra ainsi d’établir un devis. Dans le cas d’une traduction technique, pour avoir une idée du prix que le client devra payer, on multipliera le tarif au mot par l’estimation du nombre de mots cible.
Une autre solution, plus simple et plus transparente, consiste à simplement augmenter ses tarifs de l’équivalent du taux de foisonnement, soit de 10 à 20% en plus, pour un texte de l’anglais au français facturé au mot cible.
Quant à savoir si le taux de foisonnement évolue en fonction de la nature du texte, comme me le demandait TTT, mes arguments s’entrechoquent : d’une part, j’aurais tendance à penser que c’est effectivement le cas, puisqu’un langage technique est par définition un sous-ensemble d’une langue. Le lexique technique limite donc le foisonnement. Mais d’autre part, les arguments que j’ai donnés plus haut sont toujours valables.
Je suis curieux de connaître votre avis à ce sujet, n’hésitez pas à laisser vos commentaires !